Histoires courtes (2016)

Darth Hornet (le frelon noir)

Les parents de Michel se lamentaient de voir leur fils passer de nombreuses journées devant son ordinateur. Il jouait inlassablement au même jeu La guerre des étoiles. L’écran avait le don de se métamorphoser en trou noir dès qu’on essayait de commencer une conversation. Les mots disparaissait comme par magie et rien ne semblait en sortir.

  • Tu as fait quoi aujourd’hui ?

  • Mmmh…

  • On mange dans une heure.

  • Mmmmh

Le repas devenait le seul moment où il était possible de construire des phrases même s’il fallait se dépêcher. Les adolescents savent manger avec une incroyablement célérité.

  • Je peux sortir de table ?

Et le voilà reparti devant son écran, la musique repart, une porte claque, certainement à cause de sa soeur qui lui demande de baisser le son.

  • Mais on était dehors presque toute la journée à vos âges ?

Hélas, plus personne n’était là pour entendre cette réflexion. Dimanche à midi, le déjeuner prenait son temps enfin.

  • Papa, j’ai écouté l’émission Comment sauver les abeilles ? ce matin. Ca a l’air d’aller mal pour les abeilles ?

  • Tu t’intéresses à mon travail maintenant ?

Petit blanc dans la conversation et comme la répartie ne venait pas, Michel poursuivit.

  • Et bien j’ai pensé à un truc pour les frelons.

  • Ah oui ?

  • Ce matin j’ai entendu que les frelons asiatiques mangeaient les abeilles.

  • C’est vrai.

  • Et qu’une tactique était de poser des des portes trop petites pour eux.

  • Encore vrai.

  • Mais qu’ils restaient postés à l’entrée pour les attraper.

  • Toujours vrai.

  • Alors voilà, si on mettait une petite caméra à l’entrée sur un RasberryPI et puis on pourrait monter…

  • Attends, je ne comprends pas très bien tout ce que tu me racontes.

Son fils avait un grand sourire.

  • Laisse-moi faire. J’ai juste besoin que tu endormes une ruche pendant une demi-heure.

  • Mais qu’est-ce que tu vas faire ?

  • Te débarrasser des frelons évidemment.

Evidemment répéta le père pas très sûr vouloir de mettre une ruche en danger. Michel passa la fin de l’après-midi dans sa chambre. Jusque là, il n’y avait rien d’inhabituel. Il en sortit pour l’apéritif avec un curieux engin doté d’une caméra, de deux pistolets à eau, d’une télécommande. Le père et le fils partirent fixer le tout sous une ruche. Quand ils revinrent, Michel repartit dans sa chambre comme d’habitude.

  • Viens voir Papa !

Sur l’écran, on pouvait voir un frelon.

  • Génial !

  • Attends tu n’as encore rien vu.

Et son fils sortit sa manette de jeu et commença à viser l’animal avec ses deux pistolets qui bougeaient en même temps que la caméra. Son père repartit sur la pointe des pieds.

  • Papa, tu peux mettre la musique en partant.

  • Oui, bien sûr.

Une fois redescendu, il n’était pas très sûr de ce qu’il avait vu.

  • Que fait-il ? demanda sa mère.

  • Je crois qu’il joue à La guerre des étoiles version frelon.

  • C’est quoi ?

  • Il dégomme les frelons asiatiques devant la ruche.

Soudain un grand cri qui traversa toutes les portes suivi d’un adolescent qui déboula en grande trombe.

  • Je l’ai eu ! Je l’ai eu ! C’est génial, c’est encore mieux que la guerre des étoiles.

  • Tu as tué un frelon avec un jet d’eau.

  • Non mais il est grave mouillé. Je vais trouver un jet d’eau plus fort.

  • Mais retournes-y, qu’attends-tu ? Va dégommer le suivant.

  • Je ne peux pas, il n’y a plus d’eau. Faut que j’y retourne, il faut que j’en fabrique pour toutes les ruches. C’est génial !

Une semaine plus tard.

Michel avait l’air songeur devant sa salade de tomates.

  • Tu as l’air abattu ?

  • Tu as trop de ruches papa.

  • Et ?

  • C’est compliqué de jouer, trop de frelons à la fois.

  • Ah… ces petits robots, on finirait par croire que tout est automatique.

Michel relève la tête sur cette dernière réplique et commence à manger à toute vitesse.

  • Tu es génial papa. Je vais programmer l’ordinateur pour qu’il tire automatiquement sur les frelons.

  • C’est possible ça ?

  • Absolument !