2020-07-02 Auditions des anciens ministres de la santé
J'écoutais aujourd'hui l'audition de l'ancienne ministre Agnès Buzyn : Coronavirus : Agnès Buzyn devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale. L'audition permet de découvrir comment l'Etat fonctionne, comment il gère les risques sanitaires, comment il entrepose 38.000 palettes de produits importants en cas d'épidémie de tout type. Le Figaro titre Devant la commission d’enquête, Agnès Buzyn peine à convaincre. Il est facile de prendre les bonnes décisions après coup, c'est souvent ce que les économistes font d'ailleurs. L'ancienne ministre a effectivement détaillé les decisions qu'elle a prise jusqu'à sa démission et son intuition était bonne. A l'en croire, elle a developpé une stratégie efficace dans les limites que lui imposaient le fonctionnement d'un Etat sans doute mal préparé à hâter sa gestion administrative. Sa clairvoyance lui a permis d'entrevoir l'ampleur de l'épidémie naissante, elle lui a peut-être permis d'entrevoir également la difficulté que le gouvernement allait éprouver à gérer la crise. Fin janvier, la ministre apprend qu'il y a six morts à Wuhan, que la maladie se transmet entre individus, que c'est sans doute le début d'une épidémie grave, que la matière première des surblouses est fabriquée pour le monde entier à Wuhan et que celle-ci vient de se confiner. L'épidémie n'est pas encore certaine mais il apparaît fin janvier, la pénurie de certains matériels est déjà connue et irrémédiable.
Le changement de ministre apparaît très opportun. La précédente ministre dit avoir anticipé la crise et mis une stratégie en place pour y répondre. Elle est partie en ayant le sentiment d'avoir le boulot excepté peut-être celui de vérifier que ces décisions étaient appliquées. Le ministre suivant excusera son retard en prétextant avoir repris une situation plus que difficile. A l'issue de cette audition, on prend aussi l'ampleur de la faillite de l'Europe, qui met un temps certain à prendre conscience de l'ampleur de l'épidémie.
Finalement, Agnès Buzyn recommande de créer une agence de gestion de crise. Les compétences pour gérer le long terme et le très court terme sont très différentes. Il nous faut une agence de gestion de crise capable de gérer tout type de risque, sanitaire, écologique, économique. Sa vision de la crise était plutôt bonne, nous n'aurions pas eu de masques qu'on ait anticipé cette crise un mois plus tôt ou plus tard. Il est même étonnant qu'avec une aussi bonne anticipation, le gouvernement n'ait pas su communiquer avec plus de transparence, et n'ait pas su confiner plus tôt car c'était la seule décision en notre pouvoir. Le changement de ministre apparaît même plus ou moins sans grande conséquence sur la gestion. Localement, les équipes médicales ont fait des miracles, il manquait cette cellule de crise pour épauler une administration plus apte à gérer le quotidien sur le long terme, pour coordonner les efforts.
Les ministres me paraissent quand même enserrées dans un étau administratif duquel ils peinent à sortir pour aller vérifier sur le terrain l'effet de leur décision.
Xavier Bertrand raconte qu'en 2011, il y a avait un plan qui impliquait la production de masques sur le territoire français avec un ensemble de commandes garanties par le gouvernement. Il n'a pas été mis en action visiblement. C'est le premier à expliquer en détail une stratégie à long terme qui protège les institutions (EPRUS) contre les intempéries financières. C'est le premier également à citer les articles de lois. Il situe au 13 mai 2013 le début d'un certain flou avec une directive qui ne précise plus qui doit financer l'achat des masques. C'est pour lui ce flou dont se sont emparés les différents acteurs et ministères pour ne plus les renouveler. Je vous recommande vivement son audition car il va au delà des autres ministres qui se contentent de justifier leurs décisions sur la période de leur ministère, Xavier Bertrand donne son interprétation quant à la séquence de petits événements qui a entraînés la pénurie dans laquelle la France s'est trouvée. Les ministres qui lui ont succédé font référence au cadre qu'il a mis en place (EPRUS, responsabilités des masques à l'employeur) et que ce cadre est une des raisons qui ont abouti à la pénurie de masque. Xavier Bertrand explique que ce cadre impliquait de vérifier son exécution, de s'assurer que les masques étaient bien financés au sein de chaque ministère, et d'ajouter que si les ministres suivant n'étaient pas à l'aise avec ce cadre, ils étaient libres d'en changer au lieu de se réfugier derrière pour expliquer la pénurie de matériel.
Il faut que je regarde ces auditions maintenant : Impact, gestion et conséquences de l’épidémie de Coronavirus-Covid 19 : M. Didier Houssin, ancien directeur général de la Santé ; Pr Didier Raoult, directeur de l’institut hospitalo-universitaire en maladies infectieuses de Marseille.
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Xavier Dupré
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