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2021-07-24 Moment hors temps

Un samedi en vacances où j'observe l'effet papillon. Tout commence par le bus qui devait m'emmener de Mimizan à Labouheyre où je devais prendre le train pour Bordeaux. Comme beaucoup de voyageurs. Nous étions si nombreux qu'il fallut plus de 30 minutes pour charger les bagages, virer de façon autoritaire cinq touristes allemands qui avaient toutes les chances de rater leur avion. Mais n'ayant qu'un français très limité, le chauffeur les abandonna à leur sort avec un dépliant des horaires du prochain bus, ceux-là mêmes inscrits sur le poteau de l'arrêt juste derrière eux. Une fois ce petit coup de stress imprévu, le conducteur tenta vainement de retarder le départ du TER. A la gare, l'effet ne fut pas flagrant. Le train était parti à l'heure. La gare fermée, une grève ou peut être l'habitude, qui sait, le jeu d'échecs des horaires commençait. Le prochain train pour Bordeaux partait à 12h40 de Labouheyre, un autre de Morcenx partait à 12h15 sans s'arrêter lui à Labouheyre. Et me voici parti dans l'autre sens. Au moment où j'écris ces lignes, je me trouvais dans un bistrot devant un café, pause pipi oblige, la gare de Morcenx n'offrant pas ce service. Mais au moins, elle était ouverte. La guichetière faisait face à quatre touristes chinois au français incertain. Ils durent s'y reprendre à deux trois pour obtenir les billets désirés. Quant à moi, mon histoire ne valait sans doute pas la réédition d'un billet. Mon histoire devrait paraitre aussi convaincante pour le contrôleur qu'elle le fut pour elle. De toutes façons, de contrôleur, il n'y eut point. J'ai pris cinq trains cet en une semaine sans montrer une seule fois mon billet.

Dans le café où je m'étais arrêté, j'ai choisi des deux cafés la terrasse la plus vide et les clients les plus sympathiques, ils avaient la voix éraillée des habitués et la blague franchouillarde. Une histoire de chèque non payé volait dans l'air mais je n'y ai rien compris.

Deux voyageurs que j'avais reconnus passèrent par là pour demander s'ils pouvaient déjeuner avant le départ de train de 12h14. La patronne leur répondit qu'elle pouvait faire deux salades mais pas plus. Il était 11h30. Ils s'en allèrent. Alors le bureau des habitués s'offusqua de tous ces jeunes qui ne se rendaient pas compte de la vie. Manger en aussi peu de temps, allumer le feu sous les poêles n'étaient pas réalisable. Je pris alors la parole pour les défendre et conter mon périple. J'en fus pour deux ou trois acquiescements, rien qui ne me permit d'être inclus dans la conversation. Le café n'était pas un assez gros ticket d'entrée. Et en leur signifiant que l'étranger écoutait leur parole, elles cessèrent rapidement. Je payais donc mon café 1€20 en tendant une pièce de 2€ sans attendre la monnaie. J'espère que les mots du prochain voyageur solitaire sauront susciter plus d'échanges.

Ces histoires auraient prêté à sourire il y a trente ans, les employés de la SNCF écoutaient vos histoires et se montraient compréhensibles. Dans les petits villages, on sait se débrouiller. Les grandes villes ont cassé ce tissus social très localisés. Voisins et étrangers. La règle est la méfiance. La SNCF ne pourrait pas prendre en compte chaque retard. Néanmoins, ces petits problèmes du quotidien n'étaient nécessairement vus comme des nuisances. Au lieu de cela, ils étaient des aventures et chaque personnage y allait de son petit rôle pour la faire avancer vers son happy end. Les cinq touristes allemands vont sans doute déverser leur frustration sur un réseau social quelconque à moins que dans leur périple, ils ne croisent d'autres malchanceux et se souviennent plus de la rencontre que de la cause qui les a réunis. Quelle probabilité... La mairie de Mimizan dont la vie économie dépend des locations touristiques a sans doute une personne dont le rôle est d'espionner tout ce qui se dit sur ces médias. Et si cette mésaventure venait à passer la barrière de la langue, il y aura peut-être quelques touristes allemands de moins et des invendus de bières allemandes. Le chauffeur de bus subira quelques remontrances pour une histoire dont aucun des protagonistes n'aura cherché à la vivre de son point de vue. C'est le problème des réseaux sociaux. Au moindre désaccord, on raccroche.

Il reste que j'ai passé une heure dans un bus plein de jeunes adultes probablement non vaccinés et au masque pendant. De cela, on ne parlera pas ni de tous les trains bondés que j'aie pu prendre. Le dernier train que je pris, mes voisins montaient et baissaient le masque à la vue du contrôleur, le casque vissé sur les oreilles, les yeux englués dans l'écran de leur portable. Il est passé deux fois plus pour vérifier les masques que les billets. Chacun est occupé à réaliser les vacances qu'il avait prévu et vitupère à la moindre contrariété comme si les vacances elles aussi se devaient d'être efficace.

C'est le pendant d'une économie qui a fait des vacances de masses et pas chères son gagne-pain. Chaque acteur est engagé dans ce processus et quiconque faute se voit accablé. Mimizan est pour moitié un assemblage de petites cases en béton louées du samedi au samedi, entassées au bord des plages, ravageant le littoral.

Quelques lignes qui doivent leur vie à ce moment hors temps loin de tout réseau.


Xavier Dupré